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CHAPITRE VI

raison suffisanle pour attaquer les vices des autres (1) ». Non seulement il profita de la leçon, en retranchant cette épigraphe des éditions subséquentes, mais il crut devoir affirmer plus tard, dans sa seconde satire, la pureté de ses intentions.

Eh ! quel autre intérêt peut dicter mes censures,
Qu’un généreux désir de voir les mœurs plus pures
Refleurir sur nos bords de vertus dépeuplés,
Et nos froids écrivains, au bon goût rappelés,
Orner d’un style heureux une saine morale,
De leurs partis rivaux effacer le scandale,
Et, Tun de l’autre amis, noblement s’occuper
De mériter la gloire, et non de l’usurper ?

Deux satires en vers, Le Dix-huitième Siècle et Mon Apologie, avec deux pièces en prose, Le Carnaval des Auteurs et la Diatribe au sujet des prix académiques, composent tout l’œuvre satirique de Gilbert. Nous ne parlerons pas du Siècle, dont nous n’avons pu trouver le texte ; ce n’était qu’une ébauche du Dix-huilième Siècle, comme nous l’avons vu, et il ne nous apprendrait rien de plus sur le talent de notre poète.

Tout ce que Gilbert avait publié jusqu’alors se ressentait de l’inexpérience du jeune homme. Nous voilà maintenant en face de compositions sérieusement ordonnées. Le temps, le travail, le malheur ont fortifié et mûri son talent. Ce ne sont plus des idées cousues sans ordre, mais bien une thèse, qui semble le fruit d’une longue méditation. Le dix-huième siècle offre le spéciale de la plus triste abjection morale, et, par suite, d’une flagrante infériorité dans les arts :

Et la chute des arts suit la perte des mœurs.

Qui a amené cette double décadence ? Ce sont les philoso-

(1) Journal encyclopédique, 1770, t. VIII.