Page:Laforgue - Œuvres complètes, t1, 1922.djvu/32

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Et pourtant souviens-toi, Terre, des premiers âges,
Alors que tu n’avais, dans le spleen des longs jours,
Que les pantoums du vent, la clameur des flots sourds,
Et les bruissements argentins des feuillages.
Mais l’être impur paraît ! ce frêle révolté
De la sainte Maïa déchire les beaux voiles
Et le sanglot des temps jaillit vers les étoiles…
Mais dors, c’est bien fini, dors pour l’éternité.

Ô convoi solennel des soleils magnifiques…

Oh ! tu n’oublieras pas la nuit du moyen âge,
Où, dans l’affolement du glas du « Dies iræ »,
La Famine pilait les vieux os déterrés
Pour la Peste gorgeant les charniers avec rage.
Souviens-toi de cette heure où l’homme épouvanté,
Sous le ciel sans espoir et têtu de la Grâce,
Clamait : « Gloire au Très-Bon », et maudissait sa race !
Mais dors, c’est bien fini, dors pour l’éternité.

Ô convoi solennel des soleils magnifiques…

Hymnes ! autels sanglants ! ô sombres cathédrales,
Aux vitraux douleureux, dans les cloches, l’encens.
Et l’orgue déchaînant ses hosannahs puissants !
Ô cloîtres blancs perdus ! pâles amours claustrales,