Page:Laforgue - Œuvres complètes, t1, 1922.djvu/49

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Vieil or, rose-fané, gris de plomb, lilas pâle.
Oh ! c’est fini, fini ! longuement le vent râle,
Tout est jaune et poussif ; les jours sont révolus,
La Terre a fait son temps ; ses reins n’en peuvent plus.
Et ses pauvres enfants, grêles, chauves et blêmes
D’avoir trop médité les éternels problèmes,
Grelottants et voûtés sous le poids des foulards
Au gaz jaune et mourant des brumeux boulevards,
D’un œil vide et muet contemplent leurs absinthes,
Riant amèrement, quand des femmes enceintes
Défilent, étalant leurs ventres et leurs seins,
Dans l’orgueil bestial des esclaves divins…

Ouragans inconnus des débâcles finales,
Accourez ! déchaînez vos trombes de rafales !
Prenez ce globe immonde et poussif ! balayez
Sa lèpre de cités et ses fils ennuyés !
Et jetez ses débris sans nom au noir immense !
Et qu’on ne sache rien dans la grande innocence
Des soleils éternels, des étoiles d’amour,
De ce Cerveau pourri qui fut la Terre, un jour.