Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
LETTRES 1881-1882

nos cerveaux humains, ce kaléidoscope ne serait que vibrations.

Mais à d’autres…

Et moi j’en suis là.

Je n’écris guère, mais je pense énormément, — et je suis bien persuadé que je m’ennuie réellement et incurablement, et que je ne racle pas quelque guitare littéraire.

Vous qui avez traversé Spinoza et Berkeley, vous qui êtes allé au fond de la pensée humaine, qu’en dites-vous ? Avez-vous traversé cette crise Spleen ?

Je vous entends, mais quoi ? Je ne suis plus anémique. Je n’ai plus mes palpitations. Je n’ai pas de soucis matériels. Je n’ai rien à faire. Je respire un air qui n’a jamais circulé à la Nationale. Je ne désire rien, rien.

Mais, voilà, je m’ennuie, parce que je vois que tout est vide et mensonge et apparence et spleen.

Si vous me trouvez ridicule, c’est que je ne me serai pas bien exprimé, ou que je n’ai rien dit, croyant avoir tout expliqué.

Voilà une étrange lettre. Je vous remercie des timbres[1].

  1. Pour la collection de son domestique.