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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/82

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ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

j’avais de l’argent et pas de famille, je planterais l’Europe là, pour m’en aller dans des pays fous et bariolés oublier mon cerveau.

C’est vous dire que je fais pas mal de vers. Mes idées en poésie changent. Après avoir aimé les développements éloquents, puis Coppée, puis la Justice de Sully, puis baudelairien : je deviens (comme forme) kahnesque et mallarméen.

J’ai un bel exemplaire de Cros[1] relié en parchemin, je le lis beaucoup.

Je songe à une poésie qui serait de la psychologie dans une forme de rêve, avec des fleurs, du vent, des senteurs, d’inextricables symphonies avec une phrase (un sujet) mélodique, dont le dessin reparaît de temps en temps.

Je tâtonne en des essais. Comme oraison funèbre de ma première manière, je vous envoie une petite pièce.

Je fréquente beaucoup les albums anglais de Kate Greenaway, Swerby, Emmerson.

J’ai découvert ici un aquafortiste de génie, méconnu[2], sur qui je voudrais faire quelque chose, mais qui est un sauvage insaisissable.

  1. Le Coffret de Santal, par Charles Cros (1873).
  2. Max Klinger.