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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/109

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

Pendant ce temps, tandis qu’ici l’on danse et l’on bavarde, une cérémonie silencieuse et pleine de style s’accomplit dans la Galerie des Tableaux où nous avons d’abord attendu. Dans un coin de cette galerie et au centre, un valet français et un valet anglais ont retiré un paravent, et l’impératrice Augusta est apparue, trônant dans son fauteuil d’impotente, surhaussé de coussins et drapé de velours, en toilette très recherchée et dressée avec tous les artifices dans sa byzantine beauté de Jézabel. Autour d’elle, à distance bien réglée, un cercle de dames et d’hommes non encore présentés, puis les ambassadeurs, attendent de venir, amenés par le chambellan comte Nesselrode, baiser sa main et recevoir quelques mots d’elle : quelques mots toujours placés avec un art suprême et, quand c’est en français, dans le français le plus noble.

C’est un spectacle unique que celui de cette souveraine de soixante-quinze ans, sans autres forces que ses nerfs, les regards toujours perçants, l’oreille fine, le sourire savant, la mémoire