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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/116

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

tout salon de Berlin qui n’est pas un peu cosmopolite. Un habit bien coupé est une rareté qui fait sensation.

Quiconque porte les escarpins vernis au lieu du soulier quotidien ou de la courte botte chère à l’Allemand, en a presque le reflet triomphant sur le visage. Quant au claque, il est le plus souvent remplacé par le chapeau de soie brossé à rebrousse-poil par la cohue des vingt bals et si démodé de forme qu’un de nos cochers de campagne en voudrait à peine. En revanche, les cravates blanches sont en satin, s’étalent largement et l’on est toujours hermétiquement ganté des deux mains. Le plus grand nombre de ces habits noirs est orné de décorations ; les brochettes foisonnent ; tel acteur est affublé d’une douzaine de croix.

Il se trouve toujours, d’ailleurs, quelque Berlinois sceptique et non décoré pour vous dire : « N’y faites pas attention : l’Aigle rouge, l’a qui veut ; quant à la Croix de fer de 1870, comme vous voyez, on l’a donnée à tout le monde. »

Faut-il parler des toilettes féminines ? On a beau, Français, arriver à Berlin avec la résolution de se débarrasser de toutes les légendes, on est forcé par l’évidence à s’avouer que la