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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/148

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

quelques ustensiles et est coiffé d’un chapeau de haute forme ! Vraiment, ses allures sont celles d’un revenant, il semble quelque échappé de cirque. Et, avec ses paupières noircies, on ne sait pas s’il vous regarde.

Les Berlinois sont à peine habitués à leurs ramoneurs ; du moins, ils leur sourient encore. Mais leur admiration pour le corps des pompiers est toujours prête. Une cloche affolée sonne, scandant un lourd galop. Tout s’écarte, et c’est la première voiture : huit pompiers s’y font vis-à-vis avec leur grand casque aux ailes rabaissées ; le cocher est flanqué de deux sergents de ville et sur le marchepied se tiennent deux autres pompiers, l’un agitant une cloche, l’autre tenant un flambeau enduit de poix qui goutte des morceaux de feu sur son chemin.

Une des impressions désagréables de Berlin, c’est le manque d’eau. On n’en voit pas, la ville est toute sèche. Et les vilaines pompes, çà et là ! La branche à pomper, et un goulot qui sort d’une informe gaine de planches.

Dès onze heure de nuit (les Tilleuls sont déserts depuis longtemps), les voitures-brosses commencent à balayer la poussière de la rue Frédéric, et cette rue est à cette heure la seule vivante