Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

barque m’a bien recommandé de n’aborder dans aucun des parcs royaux, il m’a même fait entrevoir des mois de forteresse. Je fais le tour, côtoyant les berges d’aussi près que le permettent les masses de joncs. Le silence de l’accablante après-midi plane partout ; deux ou trois mouettes vont et viennent ; une flottille de cygnes passe. Je contourne le parc du château de Babelsberg. Le château se dresse, là-bas, sur une éminence du milieu des frondaisons, le drapeau indiquant le séjour de l’empereur flotte au sommet. Çà et là, sur la pente des berges, des groupes de canons de toutes dimensions, depuis le canon pris à la guerre jusqu’au canon jouet de prince ; on s’en sert aux anniversaires ; il en est un qui chaque soir salue le coucher du soleil.

Ces massifs de verdure sont de ce vert métallique et artificiel qu’on voit dans les paysages allemands du temps de l’empire. Et de fait, toute cette oasis est à peu près artificielle, il ne faut pas beaucoup creuser du bout de la canne pour retrouver le sable, et je viens de passer à côté d’une bâtisse où une puissante machine pompe dès six heures du matin et amène l’eau à travers le parc.