Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

pas vide, la sentinelle se tourne vers le portique, met sa main en cornet à sa bouche et hurle raus ! (abréviation de heraus, « dehors »).

Aussitôt la garde (des fantassins) se précipite, descend les degrés. En un clin d’œil, les deux rangs sont alignés l’arme au bras, le tambour a accroché son instrument à la ceinture, tient ses baguettes en arrêt, et l’officier, au bout, se tient prêt à saluer de l’épée.

Une voiture passe. Raus ! La garde présente arme, l’officier salue et le tambour roule un ran-plan-plan d’honneur. Dans la voiture il y a deux gouvernantes tenant deux bébés royaux sur leurs genoux. On ne roule tambour que pour la famille impériale. Pour un général, la garde ne sort qu’à moitié.

Avril, neuf heures du matin. — Le Corps de Garde gris, tout est ensoleillé. Les soldats se chauffent dehors appuyés aux colonnes, astiqués et flambants, ni lourds ni gauches, les trois quarts imberbes, l’air heureux d’être là, au soleil, à Berlin. Ils causent, les mains dans les poches ou les bras croisés. Des gamins accrochés aux barreaux de la grille les regardent, attendant le passage de quelque voiture royale pour leur