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Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/172

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Il y a, à un point de la plaine, l’éblouissant carré de marbre blanc d’un tombeau. Syrinx s’y arrête une minute, se penche comme pour y sentir une fleur, puis pousse un Heiaha ! ricanant et reprend sa belle fuite en bonds divins !

Heiaha ! donc ! Pan dévale le coteau et reprend les bonds également divins de sa poursuite !…

Il s’arrête à son tour un instant à ce tombeau de marbre blanc. Il se penche comme l’objet de sa poursuite, il n’y a pas de fleurs à sentir, mais cette inscription à méditer :


ET IN ARCADIA EGO


« Et moi aussi, je vivais en Arcadie ! »

— Pauvres mortels, que de raisons ils ont de s’aimer, eux !

Mais Pan et Syrinx sont immortels, rien ne presse.

La plaine jusqu’à la colline bleuâtre s’étend, vaste comme une après-midi qui finira bien par se fondre dans le soir. Les Hoyotoho ! et les Heiaha ! se font rares. Quelle plaine !...

Quelle plaine !

Quelle plaine !

Et peu à peu, car tout marche, le soleil décline. La pauvre nymphe sent venir le crépuscule qui tisse les invisibles mailles de ses filets. Syrinx perd du terrain ; et la bleuâtre colline à gravir sera bientôt là, palissadée d’atroces ronces sans doute. Oh ! dans les ronces, les ronces, elle rampera tant qu’elle pourra, et sera toute en sang, et lui fera pitié !...

— Elle faiblit, elle faiblit ! Elle ne veut pas s’abandonner ?