Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/190

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— Je n’en sais pas plus que toi, ô noble Andromède aux cheveux roux.

— Nos destinées, nos destinées ! Mais je vieillis chaque jour, moi ! Oh, ça ne peut plus durer comme ça !

— Veux-tu que nous fassions une petite partie en mer ?

— Ah ! je les connais vos petites parties en mer. Il serait temps de trouver autre chose.

Andromède se rejette à plat-ventre dans le sable, qu’elle griffe et laboure le long de ses deux flancs légitimement affamés, et puis recommence ses petits gémissements aigus et rauques.

Le Monstre croit à propos de prendre la voix de fausset de cette pauvre enfant qui mue, pour railler ses doléances romanesques et il commence d’un ton détaché :

Pyrame et Thisbé. Il était une fois…

— Non ! non ! pas d’histoires mortes, ou je me tue !

— Enfin, voyons, qu’est-ce que cela ? Il faut se secouer ! Va à la pêche, à la chasse, assemble des rimes, joue de la conque aux quatre points cardinaux, renouvelle ta collection de coquillages ; ou, tiens, grave des symboles sur des pierres récalcitrantes (c’est ça qui fait passer le temps !)…

— Je ne peux pas, je ne peux pas ; je n’ai plus goût à rien, je te dis.

— Tiens, tiens ! Bébé ? regarde là-haut. Oh ! veux-tu ta fronde ?

C’était depuis le matin la troisième bande d’oiseaux migrateurs d’automne ; leur triangle passait d’une même palpita-