Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/196

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ruisselantes, épluche sa toison des brins d’algues que cette douche y a emmêlés.

Et puis elle se jette décidément à l’eau ; elle bat les flots comme d’un moulin, plonge, et remonte, et souffle, et fait la planche ; une nouvelle bordée de vagues arrive, et voilà la petite possédée qui, d’abord bousculée, fait des sauts de carpe, veut enfourcher ces crêtes ! Elle en attrape une par la crinière, et la chevauche, un instant, avec des abois cruels ; une autre accourt en traître qui la désarçonne, mais elle se raccroche à une autre. Et puis toutes se dérobent trop vite sous elle, ne sachant pas attendre. Mais, la mer qui se pique au jeu devient intenable ; alors Andromède fait l’épave, elle se laisse échouer échevelée sur le sable, elle rampe hors d’atteinte du flot, et reste là, un peu enfoncée dans le sable mouvant, à plat-ventre.

Et voici une nouvelle nappe d’averses qui passe sur l’île. Andromède ne bougepas ; et toute gémissante sous la grande rumeur diluvienne, elle reçoit l’averse, la glapissante averse, qui rigole dans la ravine de son dos et fait des bulles. Elle sent le sable détrempé céder peu à peu sous elle, et elle se tord pour enfoncer davantage. (Oh ! que je sois submergée, que je sois enterrée vivante !)

Mais les nuées de déluge s’en vont comme elles étaient venues, la rumeur s’éloigne, c’est la solitude atlantique de l’île.

Andromède s’assied, et regarde l’horizon, l’horizon qui s’éclaircit sans rien d’insolite. Que faire ? Quand le vent a bien essuyé son pauvre être, elle court escalader de nouveau,