Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/204

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tentes sont repliées, l’armée lève le camp, emportant dans une panique les basiliques occidentales, les pressoirs, les idoles, les ballots, les vestales, les bureaux, les ambulances, les estrades des orphéons, tous les accessoires officiels.

Et ils s’effacent dans un poudroiement d’or rose.

Ah ! bref, tout s’est passé à merveille !...

— Fabuleux, fabuleux ! bave, d’extase, le Monstre-Taciturne, et ses grosses prunelles aqueuses sont encore illuminées des derniers reflets occidentaux.

— Adieu, paniers, vendanges sont faites ! soupire crépusculairement Andromède, dont la toison rousse paraît bien pauvre après ces incendies.

— Plus qu’à allumer les feux du soir, souper, et bénir la lune, avant de s’aller coucher, pour s’éveiller demain et recommencer une journée pareille.

Allons, silence et horizon prêt pour la mortuaire Lune, — quand ! Oh ! bénis soient les dieux qui envoient, juste au moment voulu, un troisième personnage.

Il arrive comme une fusée, le héros de diamant sur un Pégase de neige dont les ailes teintes de couchants frémissent, et nettement réfléchi dans l’immense miroir mélancolique de l’atlantique des beaux soirs !...

Plus de doute, c’est Persée !

Andromède, suffoquée de palpitations de jeune fille, accourt se blottir sous le menton du Monstre.

Et de grosses larmes viennent aux cils du Monstre comme des girandoles à des balustrades. Il parle d’une voix que nous ne lui connaissions pas du tout :