Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/41

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Hamlet s’arrête ; il tient le crâne de Yorick embouché à son oreille, et écoute, perdu...

Alas, poor Yorick ! Comme on croit entendre dans un seul coquillage toute la grande rumeur de l’Océan, il me semble entendre ici toute l’intarissable symphonie de l’âme universelle dont cette boîte fut un carrefour d’échos. Voilà une solide idée. Et, voyez-vous une espèce humaine qui ne s’enquerrait pas davantage, qui s’en tiendrait à cette rumeur vaguement immortelle qu’on entend dans les crânes, en fait d’explication de la mort, c’est-à-dire en fait de religion ! Alas, poor Yorick ! Les petits helminthes ont dégusté l’intellect à Yorick... C’était un garçon d’un humour assez infini : mon frère (même mère pendant neuf mois) si toutefois ce titre commande une attitude spéciale. Il fut quelqu’un. Il avait le moi minutieux, entortillé et retors ; il se gobait. Où ça est-il passé ? Ni vu, ni connu. Plus même rien de son somnambulisme. Le bon sens lui-même, dit-on, ne laisse pas de traces. Il y avait une langue là-dedans ; ça grasseyait : « Good night, ladies ; good night, sweet ladies ! good night, good night ! » Ça chantait, et souvent des gravelures. — Il prévoyait ! (Hamlet fait le geste de lancer le crâne en avant.) Il se souvenait. (Même geste en arrière.) Il a parlé, il a rougi, il a BAILLÉ ! — Horrible, horrible, horrible ! — J’ai peut-être encore vingt ans, trente ans à vivre, et j’y passerai comme les autres. Comme les autres ? — Oh Tout ! quelle misère, ne plus y être ! — Ah ! Je veux dès demain partir, m’enquérir par le monde des procédés d’embaumement les plus adamantins. — Elles furent aussi, les petites gens de