Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/64

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jours !... (Cette valse, oh ! si je pouvais vous en inoculer d’un mot le sentiment avant de vous laisser entrer en cette histoire !)

Ô gants jamais rajeunis par les benzines ! Ô brillant et mélancolique va-et-vient de ces existences ! Ô apparences de bonheur si pardonnables ! Ô beautés qui vieilliront dans les dentelles noires au coin du feu, sans comprendre la conduite des fils viveurs et musclés qu’elles mirent au monde avec une si chaste mélancolie !...

Petite ville, petite ville de mon cœur.

Or les malades n’y tournent pas autour des Sources, tenant en main le verre gradué. C’est des bains qu’on y prend ; eaux à 25 degrés (se promener après le bain, puis faire un somme) ; et c’est pour les névropathes, et c’est surtout pour la femme, pour les féminines qui en sont là.

On les voit errer, les bons névropathes, traîner une jambe qui ne valsera plus même sur l’air fragile et compassé de Myosotis, ou poussés dans une petite voiture capitonnée d’un cuir blasé ; on en voit quitter soudain leur place pendant un concert au Casino, avec d’étranges bruits de déglutition automatique ; ou soudain, à la promenade, se retourner en portant la main à leur nuque comme si quelque mauvais plaisant venait de les frapper d’un coup de rasoir ; on en rencontre au coin des bois, la face agitée d’inquiétants tics, semant dans les ravins antédiluviens les petits morceaux de lettres déchirées. C’est les névropathes, enfants d’un siècle trop brillant ; on en a mis partout.

Le bon soleil, ami des couleuvres, des cimetières et des