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xxiv
notice sur la vie et les ouvrages

Cette réserve prudente, en le privant des avantages d’une familiarité honorable, qui n’eût pas été sans quelques inconvénients, lui laissait tout son temps pour ses travaux mathématiques, qui ne lui avaient attiré jusque-là que les éloges les plus flatteurs et les plus unanimes. Une seule fois ce concert de louanges fut troublé.

Un Géomètre français, qui réunissait à beaucoup de sagacité un amour-propre plus grand encore, et ne se donnait guère la peine d’étudier les Ouvrages des autres, accusa M. Lagrange de s’être égaré dans la nouvelle route qu’il avait tracée, faute d’en avoir bien entendu la théorie ; il lui reprochait de s’être trompé dans ses assertions et ses calculs. Lagrange, dans sa réponse, montre quelque étonnement de ces expressions peu obligeantes, auxquelles il était si peu accoutumé ; il s’attendait au moins à les voir motivées sur quelques raisons bonnes ou mauvaises. Mais il n’en trouvait d’aucun genre. Il fait voir que la solution proposée par Fontaine était incomplète et illusoire à certains égards. Fontaine s’était vanté d’avoir appris aux Géomètres les conditions qui rendent possible l’intégration des équations différentielles à trois variables ; Lagrange lui fait voir, par plusieurs citations, que ces conditions étaient connues des Géomètres longtemps avant que Fontaine fût en état de les leur enseigner. Il ne nie pas, au reste, que Fontaine n’ait pu trouver ces théorèmes de lui-même ; du moins je suis persuadé, ajoutait-il, qu’il était aussi en état que personne de les trouver.

C’est avec ces égards et cette modération qu’il répond à l’agresseur. Condorcet, dans l’Éloge de Fontaine, à l’occasion de cette dispute, est obligé d’avouer que son confrère s’y était écarté de cette politesse d’usage, dont jamais il n’est permis de se dispenser, mais qu’il croyait peut-être moins nécessaire avec des adversaires