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de m. lagrange

Marie qui le proposa à M. de Breteuil, et ce Ministre, qui dans toutes les occasions a été au-devant des désirs de l’Académie des Sciences, porta cette demande et la fit agréer par Louis XVI.

Le successeur de Frédéric, quoiqu’il s’intéressât médiocrement aux sciences, faisait quelques difficultés de laisser partir un savant que son prédécesseur avait appelé et qu’il honorait d’une estime particulière. Après quelques démarches, Lagrange obtint qu’on ne s’opposât plus à son départ ; on y mit pour condition qu’il donnerait encore plusieurs Mémoires à l’Académie de Berlin. Les volumes de 1792, 1793 et 1803 prouvent qu’il fut fidèle à sa promesse.

Ce fut en 1787 que M. Lagrange vint à Paris, siéger il l’Académie des Sciences, dont il était depuis quinze ans Associé étranger. Pour lui donner droit de suffrage dans toutes les délibérations, on changea ce titre en celui de Pensionnaire vétéran. Ses nouveaux confrères se montrèrent à l’envi heureux et glorieux de le posséder ; la Reine l’accueillit avec bienveillance ; elle le considérait comme Allemand ; il lui avait été recommandé de Vienne. On lui donna un logement au Louvre ; il y vécut heureux jusqu’à la révolution. La satisfaction dont il jouissait se répandait peu au dehors : toujours affable et bon quand on l’interrogeait, il se pressait peu de parler, paraissait distrait et mélancolique ; souvent, dans une réunion qui devait être selon son goût, au milieu de ces savants qu’il était venu chercher de si loin, parmi les hommes les plus distingués de tout pays qui se rassemblaient toutes les semaines chez l’illustre Lavoisier, je l’ai vu rêveur, debout contre une fenêtre où rien pourtant n’attirait ses regards ; il y restait étranger à tout ce se disait autour de lui ; il avouait lui-même que son enthousiasme était éteint, qu’il avait perdu le goût des recherches mathématiques.