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notice sur la vie et les ouvrages

d’en développer les parties les plus usuelles. Il y travaillait avec toute l’ardeur et la force de tête qu’il y aurait mise dans son meilleur temps ; mais cette application lui laissait une fatigue qui allait quelquefois à le faire tomber en défaillance. Il fut trouvé en cet état par Mme  Lagrange. Sa tête, en tombant, avait porté sur l’angle d’un meuble, et ce choc ne lui avait pas rendu l’usage de ses sens. C’était un avertissement de se ménager davantage ; il en jugea d’abord ainsi ; mais il avait trop à cœur de terminer la rédaction de cet Ouvrage, dont l’impression, longtemps suspendue, n’a été terminée qu’en 1815. Le premier volume avait paru quelque temps avant sa mort ; il avait été suivi d’une nouvelle édition des Fonctions analytiques. Tant de travaux l’épuisèrent. Vers la fin de mars, la fièvre se déclara, l’appétit était nul, le sommeil agité, la bouche aride ; il éprouvait des défaillances alarmantes, surtout à l’heure de son réveil. Il sentit son danger ; mais, conservant son imperturbable sérénité, il étudiait ce qui se passait en lui ; et, comme s’il n’eût fait qu’assister à une grande et rare expérience, il y donnait toute son attention. Ses remarques n’ont point été perdues ; l’amitié lui amena, le 8 avril au matin, MM. Lacépède et Monge, et M. Chaptal, qui se fit un devoir religieux de recueillir les principaux traits d’une conversation qui fut la dernière. (Nous avons suivi scrupuleusement toutes les indications qu’elle contient, et les passages que nous avons soulignés sans autre citation sont fidèlement copiés sur le manuscrit de M. le Comte Chaptal.)

Il les reçut avec attendrissement et cordialité. J’ai été bien mal avant-hier, mes amis, leur dit-il, je me sentais mourir ; mon corps s’afaiblissait peu à peu, mes facultés morales et physiques s’éteignaient insensiblement, j’observais avec plaisir la progression bien graduée de la diminution de mes forces, et j’arrivais au