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de m. lagrange

sa tranquillité ordinaire. Un jour, après une discussion de cette espèce, M. Lagrange étant sorti, Borda, resté seul avec moi, laissa échapper ces mots : Je suis fâché d’avoir à le dire d’un homme tel que M. Lagrange, mais je n’en connais pas de plus entêté. Si Borda fût sorti le premier, Lagrange m’en eût dit autant sans doute de son confrère, homme de sens et de beaucoup d’esprit, qui, comme Lagrange, ne changeait pas volontiers les idées qu’il n’avait adoptées qu’après un mûr examen.

Souvent on remarquait dans son ton une légère et douce ironie, sur l’intention de laquelle il était possible de se méprendre, et dont je n’ai pas vu d’exemple que personne ait pu se tenir offensé ; ainsi il me disait un jour : « Ces Astronomes sont singuliers ; ils ne veulent pas croire à une théorie, quand elle ne s’accorde pas avec leurs observations. » Ce qui avait amené cette réflexion, son regard en la proférant en marquait assez le sens véritable, et je ne me crus pas obligé de défendre les Astronomes.

Parmi tant de chefs-d’œuvre que l’on doit à son génie, sa Mécanique est sans contredit le plus grand, le plus remarquable et le plus important. Les Fonctions analytiques ne sont qu’au second rang, malgré la fécondité de l’idée principale et la beauté des développements. Une notation moins commode, des calculs plus embarrassants, quoique plus lumineux, empêcheront les Géomètres d’employer, si ce n’est en certains cas difficiles et douteux, ses symboles et ses dénominations ; il suffit qu’il les ait rassurés sur la légitimité des procédés plus expéditifs du Calcul différentiel et intégral. Lui-même a suivi la notation commune dans la seconde édition de sa Mécanique.

Ce grand Ouvrage est tout fondé sur le Calcul des variations, dont il est l’inventeur ; tout y découle d’une formule unique, et