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Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/148

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remplies d’enfans aussi blonds qu’en France, & qu’en Angleterre, on a comdamné ces pauvres Mantos à ne plus s’aprocher du visage des Dames. Les Portugais ont une si grande horreur pour les armes d’Actéon, qu’ils aimeroient mieux se couper les doigts que de prendre du tabac dans une Tabatiere de Corne. Cependant cette marchandise s’introduit icy comme ailleurs, malgré le fer & le poison, qu’on brave incessamment. Il ne se passe guére de mois qu’on n’entende parler de quelque avanture tragique, sur tout à l’arrivée des Flottes d’Angola & du Brezil. Le sort de la plûpart des gens de Mer qui font ces voyages est si fatal, qu’ils trouvent leurs épouses dans des Monastéres au lieu de les trouver dans leur Maison. La raison de ceci est, qu’elles aiment beaucoup mieux expier dans ces Prisons, les péchez qu’elles ont commis dans l’absence de leurs Maris, que d’être poignardées à leur retour. Aprez cela, Monsieur, l’on n’a pas eû grand tort de représenter l’Ocean avec des Cornes de Taureau. Car, ma foy, presque tous les gens qui s’exposent au risque de ses caprices ont à peu prés la même figure. La galanterie est donc icy trop scabreuse pour s’y attacher ; puisqu’il y va de la vie. On y trouve des Courtisanes dont il faut tâcher d’éviter le Commerce. Car outre le danger de rüiner sa Bourse & sa santé, on court celuy de se faire assommer. Les plus Belles sont ordinairement Amezadas[1] par des gens qui les font garder à veue ; Cependant, malgré

  1. Amezadas, loüées par mois.