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Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/236

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MONSIEUR,



DEpuis trois mois que je suis dans cette bonne ville de Saragoça, vous m’avez écrit sept ou huit fois, en vous plaignant incessamment du peu de soin que j’ay eu de satisfaire vôtre curiosité, mais il faut vous en prendre à vous-même, & non pas à moy. Car, si vous n’aviez pas été si négligent à m’envoyer ce que je reçois aujourdhuy, ma plume n’auroit pas tracé dans mes Lettres l’inquiétude de mon esprit, au lieu de vous raconter ce qui suit.

Je ne sçay si je dois appeller cette Capitale du Royaume d’Arragon simplement belle, ou si je dois y ajoûter le mot de trés ; quoiqu’il, en soit, elle est fort grande. Les Rues sont larges, & bien pavées, les Maisons ordinaires ont trois étages, les autres en ont cinq ou six, mais elles sont toutes bâties à l’antique. Les Places ne méritent pas qu’on en parle. Les Couvens, qui sont icy en quantité, sont généralement beaux, & leurs jardins, & leurs Eglises ne le sont pas moins. L’Eglise Cathédrale, qui s’appelle la Ceu, est un trés-beau & trés-vaste Edifice. L’Eglise de Nuestra Senora del Pilar[1] n’a rien que de fort ordinaire en ce qui régarde l’Architecture. Il est vray, que la Chapelle où est cette Senora, semble tant soit peu curieuse, parce qu’elle est soûterraine. Les Espagnols prétendent qu’elle est d’une matiére inconnue à tous les hommes. Sans

  1. Nôtre Dame du Pilier.