Page:Lahor - Œuvres, L’Illusion, Lemerre.djvu/351

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LE SPHINX


IL est auprès du Nil un Sphinx de granit rose,
Qui, depuis six mille ans immobile en sa pose,
Regarde à l’horizon les races se lever
Pour passer et mourir et ne rien achever.

Ses lèvres ont gardé leur sourire morose ;
Il a vu dans la mort s’écrouler toute chose,
Il sait que du néant rien ne se peut sauver,
Et, par la nuit grandi, le Sphinx semble rêver.

Des étoiles d’argent s’épanche une lumière
Impassible. La bête avec ses yeux de pierre
Contemple fixement les astres sans émoi :

Et j’ai cru sous leurs froids regards l’entendre dire :
« Astres qui, sachant tout, gardez votre sourire,
Vous êtes donc aussi sans âme, ainsi que moi ? »