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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/201

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souvenirs

et se racontaient, d’un bord à l’autre du Gourdon, avec des éclats de rire aussi impies qu’effrayants, toutes les iniquités auxquelles ils devaient leur damnation.

L’origine de ces sombres et bizarres superstitions est facile à expliquer. — C’était assurément sur l’emplacement de nos carroirs à légendes, entourés autrefois d’immenses forêts[1], que les druides célébraient les mystères parfois si redoutables de leur religion ; or ces prêtres se mêlaient réellement de sorcellerie. Leur science était universelle ; ils étaient tout à la fois magiciens, devins, interprètes des oracles, astrologues, médecins, chirurgiens, etc., ce que sont encore la plupart de nos sorciers. « Les anciens bardes, dit M. de la Villemarqué, se vantaient d’être sorciers, et n’en étaient pas moins de fort honnêtes gens… Quelques-uns d’entre eux prennent encore, à la fin du cinquième siècle, les noms de druide et de devin[2]… Parmi les bardes rebelles au joug de la foi nouvelle, il en est un particulièrement fameux ; c’est Kian, surnommé Gwenc’hlan, ou race pure, né en Armorique au commencement du cinquième siècle. Il se montre, dans ses œuvres, sous un triple aspect : comme devin, comme agriculteur, comme barde guerrier[3]. » — Le christianisme dut donc chercher de bonne heure à rendre déserts les vastes carrefours où persistaient à s’assembler les coreligionnaires d’un culte qu’il voulait anéantir. Dans ce but, il signala les carroirs comme des lieux de malédiction, semés d’embûches et de périls, hantés,

  1. Le Berry était couvert de bois nombreux entre lesquels se distinguaient ceux du duché de Châteauroux qui occupaient encore, il y a soixante ans (1788), une vaste superficie, ainsi qu’on peut en juger par la carte de Legendre, copiée par Fricalet. La forêt de Robert s’étendait, dans cette province, sur tout un canton. » (Mém. de la Société des antiquaires de France, XIXe vol. de la collection, p. 327. — Voy., aussi Alexis Monteil, Traité des matériaux manuscrits, t. I p. 17.)
  2. Myvyrian, t. I, p. 26 et 30.
  3. Barzaz-Breiz, t. I, p. 13, 14 et 69 de l’introduction.