Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

190
souvenirs

garçon, qui, après avoir mené joyeuse vie, se trouvait à peu près ruiné, et en était presque réduit à vivre du produit de sa chasse. Ce n’est pas qu’il ne lui restât à percevoir, sur les terres de trois ou quatre paroisses qui entouraient son manoir et en relevaient, une foule de beaux et bons droits, tels que cens, rentes, champarts, lods et ventes, terrages, charnages, lainages, etc., etc., qui auraient largement suffi pour le maintenir sur un très-bon pied dans la province ; mais, à l’exception de quelques chefs de famille qui lui apportaient encore, quand venait la Saint-Michel, une ou deux douzaines de poules de coutume et autant de vieux coqs de redevance, hors aussi quelques bouquets de fleurs de devoir seigneurial[1], qu’il recevait le jour de la Saint-Jean-Baptiste et qui ressemblaient bien plus, dans la position où il se trouvait, à une mauvaise plaisanterie qu’à un hommage, tous ses autres tenanciers refusaient d’acquitter leurs droits et devoirs.

C’est qu’ils s’étaient aperçus que leur seigneur avait égaré depuis longtemps le papier terrier qui établissait ses revenus et priviléges.

Aux premiers signes de ce mauvais vouloir, le vieux seigneur de la Pouserie, qui n’avait jamais vu très-clair, et pour cause, dans ses archives, s’était bien empressé de remettre ses titres, chartes et pancartes entre les mains de maître

  1. Les détenteurs d’un pré, appelé le Pré du Chapitre, et situé dans la commune de la Châtre, donnaient autrefois pour tout impôt aux chanoines du chapitre de cette ville un bouquet de roses à chaque Saint-Jean-Baptiste. — Par acte reçu Michelat, notaire à Jouhel (Indre), le 2 novembre 1759, François Bouchet, laboureur en la paroisse de Saint-Août, reconnaît la redevance suivante : Un bouquet de fleurs ou cinq sols de devoir seigneurial, dû, par chacun an, à chacun jour de Saint-Jean-Baptiste, comme propriétaire d’une maison… etc. (Aveu et dénombrement du marquisat de Presle). — La rose était en grande estime au moyen âge ; on en faisait des chapels ou couronnes pour les convives, dans les festins d’apparat ; on en décorait la table, les flacons et les verres ; enfin, l’eau de rose entrait comme assaisonnement dans une foule de mets. De là, ces bouquets ou boisseaux de roses dont il est si souvent question dans les redevances seigneuriales. (Voy. Brussel, Traité des fiefs, t. II, p. 746.)