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souvenirs du vieux temps

paissent les orchis qui croissent en abondance dans les herbages de ce pays. Cette assertion du célèbre botaniste rappelle naturellement que les orchis ont été longtemps regardés comme de puissants aphrodisiaques, croyance à laquelle semble avoir donné lieu la forme toute particulière des bulbes de ces plantes, dont Pline a dit : gemina radice, testiculis simili[1]. C’est, du reste, cette circonstance qui a valu à ce végétal le nom grec dont les savants l’ont baptisé.

D’un autre côté, notre herbe matago n’est peut-être pas sans affinité avec la mandragore, plante renommée, de toute ancienneté, pour ses vertus génératives, et qui, en Languedoc et en Provence, porte le nom de motogo. La similitude des deux appellations nous porterait à le croire.

Quoi qu’il en soit, l’herbe matago possède, assure-t-on, des propriétés tout aussi puissantes que celles de l’herbe du pic.

On raconte qu’un nommé Cheramy, dit le Grand Boiron, natif du bourg de Lourouer-Saint-Laurent, et qui vivait on ne sait plus à quelle époque, en portait toujours sur lui ; et vraiment, sans cette circonstance, il serait bien difficile d’admettre tout ce que l’on rapporte de sa force incroyable.

Fallait-il rétablir l’équilibre d’une charretée de foin près de chavirer, une simple poussée d’épaule lui suffisait pour la remettre en son aplomb.

Un jour qu’il battait en grange au domaine de la Riffauderie, on entendit dans la charpente un craquement extraordinaire. Le Grand Boiron sortit aussitôt, et vit que c’était l’un des pignons du bâtiment qui s’éloignait de la verticale. Il n’en fit ni une ni deux : il appliqua bravement ses reins le long de la muraille, et donna le temps d’aller chercher un charpentier et de construire un contre-boutant, ce qui ne dura pas moins de quatre grandes heures d’horloge.

Se trouvant, une autre fois, engagé dans une batterie qui

  1. Histoire naturelle, liv. XXVI, ch. 62.