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du vieux temps

l’arrivée du Messie. Balaam, le faux prophète, sur un âne richement harnaché, figurait parmi eux : il entrait dans le chœur et faisait trois fois le tour du pupitre. Pendant cette promenade, on chantait une prose farcie, c’est-à-dire mélangée de latin et de français et peu respectueuse pour le clergé, surtout lorsqu’on arrivait à ce couplet :

Aurum de Arabia,
Thus et myrrham de Saba
Tulit in Ecclesia
Virtus asinaria.

Hez, sire Asne, çà, chantez,
Belle bouche rechignez ;
Vous aurez du foin assez
Et de l’avoine à plantez[1].

Dans les églises de Saint-Étienne et de Saint-Ursin, « c’étaient, continue M. Raynal, les bacheliers, les vicaires et les choristes qui célébraient la fête. On l’appelait le Mystère, la Procession ou la Pompe des trois Rois et du roi Hérode… Pour figurer l’étoile qu’avaient vue les Mages, on plaçait trois cierges dans un grand vase de terre qu’on promenait dans toute l’église… On avait coutume de jouer, à cette occasion, le Mystère des trois Rois. La représentation avait lieu dans l’église même ; car on voit, en 1517, le chapitre défendre au roi Hérode et à ses jongleurs d’entrer dans la cathédrale avant la fin du service ; en 1535, pour empêcher le tumulte, ordinaire en pareil cas, il interdit à ceux qui remplissent les rôles d’Hérode et des trois Rois, au peuple et surtout aux femmes, de pénétrer dans le chœur avant que les vêpres soient achevées. Souvent, les acteurs de ces pompes bizarres et le peuple qui y assistait se livraient à de grandes insolences et à de vives railleries contre le clergé lui-même, et ce fut surtout là ce qui les fit enfin proscrire…

« Ce n’était pas seulement à Saint-Étienne qu’avaient lieu

  1. M. Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 191.