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souvenirs du vieux temps

Ce sont là autant de lustrations, autant d’exorcismes, qui ont pour but de conjurer les divers fléaux auxquels sont exposés les fruits de la terre, tels que les météores, les animaux et les plantes nuisibles.

La paille qui, dans la fête des Brandons, joue un rôle si important, passait autrefois pour conjurer les maléfices : — « Cellui qui, le jour de saint Vincent, loie (lie) les arbres de son jardin de loyens (liens) de fuerre de froment, il aura, cestui an, planté de fruis[1] » — Remarquez le rapport de consonance qui existe entre le mot Vincent et vincula (liens). — « Cellui qui behourde (brandonne), le jour des Brandons, ses arbres, sache pour vray qu’ilz n’auront en tout cest an ne honnines (hannetons), ne vermines[2] » — Enfin, Pline conseille de brûler de la paille dans les blés en herbe et les vignes pour écarter les brouillards et, en général, toute fâcheuse influence[3].

Chacun de nos paysans pourrait, en cette circonstance, s’écrier comme Tibulle, dans sa première élégie : — « Dieux de mon pays ! fidèles aux rites antiques que nous ont transmis nos pères, nous purifions nos champs, nous purifions nos fruits ; vous, daignez éloigner les maux de notre asile. Ne souffrez pas qu’au lieu du blé promis à notre espérance, des herbes avides trompent la faux du moissonneur, etc.[4] »

Mais les chants, souvent accompagnés de danses, qui presque toujours signalent nos courses aux flambeaux, sont loin d’avoir autant de poésie que cette classique invocation, et s’exécutent d’ordinaire sur un mode moins pompeux.

Il est des cantons où, pendant la fête lustrale des Brandons, on chante en chœur et à tue-tête le couplet suivant :

  1. Les Évangiles des quenouilles, P. 41 de l’édition elzévirienne de Pierre Janet.
  2. Les Évangiles des quenouilles, idem.
  3. Histoire naturelle, liv. XVIII, ch. 70.
  4. Traduction de Tissot.