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Page:Lallier - Allie, 1936.djvu/251

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Capetown, le 25 novembre 19..

Madame Olivier Montreuil,

Port-Joli, Canada.

Ma chère Allie,

À Port-Joli, aujourd’hui, on fête sans doute la Sainte-Catherine. Ici, c’est la « saint-ennui » qui règne, car le temps me pèse depuis mon retour au Cap. Chez nous, la « bordée » de la Sainte-Catherine vous enveloppe peut-être dans un tourbillon de neige folâtre qui voltige autour de vos têtes. Ici, c’est le sable brûlant qui « poudre » comme la neige au Canada.

Depuis mon arrivée, j’ai revécu tout mon passé dans ce pays lointain, passé qui semble plutôt tenir du rêve que de la réalité ! Je passe souvent des nuits d’insomnie, à récapituler dans ma mémoire les péripéties de mon départ du Canada pour le pays du soleil, départ qui cependant a laissé dans mon cœur plus d’ombre que de lumière.

Si j’avais pu greffer sur mes vingt ans d’alors mon expérience des vingt dernières années, j’aurais orienté ma vie d’une autre manière. Qu’aurait été la tienne, chère amie, sans ce malentendu ? À quoi bon, cependant, récriminer contre un passé irréparable ! Pourquoi remonter sans cesse le courant qui ne pourrait que me conduire à la source de tous mes troubles ? Ne vaut-il pas mieux, chère amie, et pour toi et pour moi, nous laisser bercer par les douces illusions qui peuvent encore embellir notre existence ? J’ai hâte d’avoir mis ordre à mes affaires, pour retourner vers vous tous.

La session bat son plein, ici. J’occupe mon siège à la Chambre, quand mes loisirs me permettent de me rendre à Pretoria ; mais je ne trouve plus aucun intérêt