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Page:Lallier - Allie, 1936.djvu/267

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minuit. Le cocher nous attendait à la porte, et les deux petits chevaux canadiens, impatients de partir, piaffaient sur le parquet de ciment de la cour.

Le vent de l’est nous cinglait la figure, pendant que de gros flocons de neige nous collaient au visage. Nous étions bien au chaud, cependant, dans cette carriole que j’avais fait confectionner par le charron du village, qui s’y connaissait en fait de traîneaux.

Les petits chevaux canadiens dévoraient la route, pendant que le son argentin des cloches du harnais s’unissait aux exclamations joyeuses des jeunes. Allie et moi nous nous contentions d’admirer silencieusement une demi-lune qui, de temps en temps, émergeait d’un nuage, se mirait dans les eaux grises du fleuve et semblait multiplier ses reflets dans les vagues successives agitées par le vent.

Nombreux étaient les paroissiens, à la porte de l’église, quand nous descendîmes de voiture. J’entendais chuchoter : « C’est le seigneur ! » Déjà, les habitants, anciens censitaires ou fils de censitaires, me qualifiaient du titre de seigneur. Comme j’habitais le fief seigneurial d’autrefois, ils croyaient tout naturel de m’appeler ainsi. M’objecter eût été inutile ! Je les laissai faire.

La messe de minuit revêtit toute la poésie qui caractérise toujours cette solennité à la