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Seul dans ma chambre, encore un peu grisé par le champagne de M. Latour, ce vin venu de France, je me faisais ces réflexions. Je songeais aux jours heureux de mon enfance. Que de souvenirs revinrent à ma mémoire ! J’étais à deux pas de la modeste maison paternelle, maintenant en possession d’un étranger, sans doute. Je la visiterai demain, me dis-je. Qu’y trouverai-je ? Peut-être une femme qui me rappellera les traits de ma mère ; peut-être aussi des enfants, jouant sur la pelouse, me feront-ils souvenir de mes frères et de mes sœurs ? Mais si, au lieu de tout ce que j’espérais, je constatais une métamorphose comme celle qui s’était opérée à l’hôtel de la Bastille ! Était-ce le vin qui créait chez moi ces impressions de regrets et de doute ? Peut-être. Ne dit-on pas : dans le vin, la vérité ? Oui ! Alors, si je m’interrogeais moi-même.

Le patriotisme canadien existe-t-il ? Je n’eus pas de réponse à ma question. Je m’emparai d’un vieux journal. « Un million des nôtres vivent aux États-Unis. » Une autre manchette annonçait en gros titres : « Actes d’héroïsme accomplis par d’humbles institutrices d’Ottawa, Mlle Roch, Mlle Desloges. » C’était la persécution déchaînée contre les écoles françaises de l’Ontario. Je lus avec avidité tous les détails de ces efforts héroïques. Remué jusqu’au fond de l’âme, je tournai la page, car je n’en pouvais