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Il attribua mon chagrin à la pensée de quitter mes parents. Il me consola adroitement, me disant que je pourrais revenir à Port-Joli à loisir. Mon transport gratuit sur les chemins de fer de l’État me permettrait de voyager tout à mon aise. Il en parla finalement à papa, avec qui, du moins apparemment, il s’était lié d’amitié. Tu sais comme papa aimait la politique ! Il appartenait à cette génération sur laquelle le passé avait laissé une empreinte d’honnêteté qui, dans le temps, pouvait s’harmoniser avec la politique, deux choses qui, depuis, ont cessé d’être compatibles. Pour comble d’infortune, ils appartenaient tous les deux au même parti. M. Montreuil était un candidat ministrable, se plaisait à répéter mon père. En un mot, c’était l’homme de son choix. Dans son désir de me voir heureuse, honorée — tu sais quelle affection il avait pour moi — il oublia, ce cher père, que le cœur a quelque chose à dire dans le mariage. Il avait pourtant fait un mariage d’amour, lui ! Mais sa pauvreté relative lui avait toujours pesé, et, voyant dans ce mariage les honneurs et le bien-être, il croyait que ce serait le bonheur pour moi.

J’attendis encore un an, cependant, avant de donner mon consentement, dans l’espérance que, la guerre finie, tu reviendrais. Malheureusement, cette guerre, qui ne devait durer que six mois, menaçait de s’éterniser.