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La messe de minuit finie, tout le monde rentra paisiblement chez soi. Il n’y a pas comme dans les paroisses de la rive sud des grelots sonnants aux harnais des chevaux traînant carrioles, « berlots » et faisant mille bruits.

Là, c’est le silence de la mort, et il semble que l’on craigne de le rompre, car la plupart du temps on parle à demi-voix, comme si on tenait à respecter ce caprice du sort.

Le bon vieux curé annonça le dimanche suivant que, vu les épreuves par lesquelles passait sa paroisse, il ne ferait pas la quête de l’Enfant-Jésus ; que de plus il remettrait la dîme à tous ceux qui en feraient la demande ; mais que, pour ne pas priver les familles de sa bénédiction, il la donnerait à l’église, le Jour de l’An, à la grand’messe. Il recommanda à ses paroissiens d’éviter les réunions tapageuses, vu la détresse dans la paroisse ; mais il leur permit les réunions où l’on raconterait des histoires et des contes, pourvu que le bon ordre y régnât.


XXI


À midi, le Jour de l’An, Ambroise Comeau, conteur de peurs, d’histoires de loups-garous, de feux-follets, etc., frappa à la porte des Guillou pour leur demander l’hospitalité, qui n’est d’ailleurs jamais refusée sur la Côte. Ambroise fut invité à fumer une pipe dans la cuisine avant le dîner. Cet homme vivait ainsi du Jour de l’An à la Saint-Sylvestre et passait toujours trois ou quatre jours dans la même maison une fois qu’il avait été agréé. Il était toujours le bienvenu partout et les enfants en particulier raffolaient de ses histoires dont le répertoire se composait d’une centaine. Il ne finissait jamais une séance sans qu’on lui demandât de raconter la belle histoire d’Évangéline immortalisée par Longfellow.

— Racontez-nous donc la belle histoire d’Évangéline, s’empressa de dire Jude Guillou, âgé de huit ans.