Aller au contenu

Page:Lallier - Le spectre menaçant, roman canadien, c1932.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 108 —

Le soleil d’avril ayant commencé son œuvre, la débâcle avait eu lieu sur les petits cours d’eau. On attendait encore celle du Saguenay, qui était en retard. Un beau dimanche après midi, alors que le travail infernal se poursuivait comme d’habitude, André rendit visite à la garde-malade qui, elle non plus, ne chômait pas le dimanche. La conversation roula sur le sermon du curé qui avait pris pour thème, le matin même, ces paroles de la Bible, tirées de l’Exode : On travaillera six jours ; mais le septième jour sera un repos complet consacré à Jéhovah. Quiconque travaillera le jour du sabbat sera puni de mort !…

Tout à coup, un bruit sinistre se fit entendre dans la direction de la chute. Les lamentations des pauvres ouvriers qui se trouvèrent prisonniers sur un petit îlot furent bientôt couvertes par le fracas qui se dégageait d’un amoncellement de glace en face des travaux en cours. Cette catastrophe, que l’on redoutait depuis le barrage du côté est de l’Isle, était enfin arrivée. Une nuit chaude et pluvieuse suivie d’une journée ensoleillée avait déchaîné les éléments destructeurs. Le torrent impétueux charroyait des morceaux de glace immenses qui formèrent un barrage solide quelques arpents plus bas. Boîtes par dessus boîtes de dynamite furent jetées sur l’amoncellement menaçant ; mais les multiples explosions n’eurent aucun effet. L’eau commença à envahir les forges. Les feux s’éteignirent et déjà l’obscurité régnait sur les lieux, quand, tout à coup, au milieu d’un