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Tu le veux, on le fait. On le fait pour ton compte.
La foi cède à regret, la nature se dompte,
L’ouvrier en haillons prend son outil pesant.
La foule autour de lui se promène parée :
Il sent qu’il est captif sous sa vile livrée,
Captif d’un maître dur et d’un fort malfaisant.

Oh ! riche ! prends bien garde à ce train que tu mènes !
Ces sombres ouvriers, ces machines humaines
Forment d’étranges vœux au temps où nous vivons.
Prends garde de semer d’effroyables récoltes.
Si les bras sont soumis, les cœurs ont des révoltes :
Il faut payer à Dieu ce que nous lui devons.

Les crois-tu tes amis, ces gens à rude écorce ?
Les crois-tu peu nombreux, sans envie, ou sans force ?
Entre eux, de leur travail ils augmentent le taux ;
Et lorsqu’ils ont fini la besogne accablante,
Comme des créanciers, d’une démarche lente
Ils s’en vont pleins de haine, emportant leurs marteaux.

Et moi dont la maison n’est point sur cette terre,
Moi qui suis ici-bas simplement locataire,
Riche, pour toi j’ai peur. Je regarde au delà :
Leurs marteaux à la main, ces forçats du dimanche,
Un dimanche pourront chercher quelque revanche…

Dies iræ, Dies ilia !
Louis Veuillot.

Et c’est de ce spectre menaçant que j’ai peur.

— Il vous faudra vous défaire de ce préjugé, jeune homme, ce n’est qu’une coïncidence. Tenez, j’ai besoin d’un comptable à mon bureau, je vous