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sur la mer de lait qui roule l’or et les pierreries ; comme encore le dieu de l’amour lançant des flèches de fleur et s’unissant avec sa belle Radi. Désormais, je ne te quitte point, je te rassure, avant que tu aies pressé mon sein et que m’enlaçant dans Les bras, tu aies éteint tous mes feux.

K. Ne prononce pas d’aussi coupables paroles devant un fils, car pour moi tu es sacrée comme une mère, toi la première épouse de mon père. Renonce à une passion déréglée ; cet amour serait pour toi le chemin de l’enfer.

T. Qui a vu en ce monde la vertu et le péché ? pourquoi y penses-tu ? pourquoi dis-tu des paroles vides ? ô héros Kunala au cou duquel se jouent des guirlandes de fleurs délicieuses ; ô toi le plus beau des rubis, viens me satisfaire sur ce lit de fleurs. Crois-tu, si tu t’y refuses, pouvoir échapper à la vengeance d’une femme ?

K. Si une mère s’éprend de son fils, y aura-t-il encore dans le monde, après un tel bouleversement de ses lois, et la sublime pénitence, et la sainte vertu et la pluie du Ciel ? Ne voyez-vous pas, ô ma mère, l’infamie dont vous couvrira un crime irréparable qui poursuit dans les vies postérieures ceux qui s’en rendent coupables dans celle-ci.

T. Loin de moi ces mots de mère que tu répètes, Kunala, viens plutôt serrer mes jolis seins, viens me caresser avec amour et m’embrasser à l’instant sur ce lit de fleurs suaves.

K. Loin, loin de moi, ces mots d’amour, ô ma mère, ô vous dont je suis le fils pour fàire la gloire de la dynastie des Mauryas. Votre invitation à satisfaire vos désirs criminels, ô ma mère, n’est-elle pas une chose inouïe dans ce vaste univers ?

T. Viens, viens donc, de grâce, t’unir avec moi ; viens mon cher Kunala, parfumer de sandal mes deux seins.

K. Est-ce donc là, ô mère, le langage vertueux que doit tenir une mère à son fils qui l’honore ?

T. Gloire, beauté, force, mérite et vertu, c’est l’amour qui les donne. Viens, Kunala, t’unir avec moi. Tu me livres aux flèches du dieu de l’amour. Que tardes-tu encore, Kunala ?

K. Quel malheur est le mien ! quelle cruauté, quel projet sont les vôtres !