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Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/3

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efforts immenses pour la perfectionner, parce qu’elle est d’un usage indispensable, qu’elle supplée à notre foiblesse, qu’elle nous aide à connoître ce qui a été nouvellement observé et à nous rappeler ce que nous avons déjà connu ; enfin parce qu’elle doit fixer la connoissance des objets dont les propriétés sont ou seront reconnues dans le cas de nous être utiles.

Mais les naturalistes ayant continué de s’appesantir sur ce seul genre de travail, sans jamais le considérer sous son vrai point de vue, et sans penser à s’entendre, c’est-à-dire à établir préalablement des principes généraux pour limiter l’étendue de chaque partie de cette grande entreprise, quantité d’abus se sont introduits ; en sorte que chacun changeant arbitrairement les considérations pour la formation des classes, des ordres et des genres, de nombreuses classifications différentes sont sans cesse présentées au public, les genres subissent continuellement des mutations sans bornes, et les productions de la nature par une suite de cette marche inconsidérée changent perpétuellement de nom.

Il en résulte que maintenant la synonymie en histoire naturelle est d’une étendue effrayante, que chaque jour la science s’obscurcit de plus en plus, qu’elle s’enveloppe de difficultés presqu’insurmontables, et que le plus bel effort de l’homme pour en préparer les matériaux, c’est-à-dire pour établir les moyens de reconnoître et distinguer tout ce que la nature offre à son observation et à ses usages, est changé en un dédale immense dans lequel on tremble avec raison de s’enfoncer.

Il me semble que selon la manière dont on envisage l’étude de l’histoire naturelle, on est en général beaucoup plus occupé de l’art qu’on y a introduit et des produits de cet art, que des objets mêmes qui en sont le sujet.

On n’est pas réellement botaniste, uniquement parce qu’on sait nommer, à la première vue, un grand nombre de plantes diverses, fût-ce selon les dernières nomenclatures établies. C’est une vérité qui s’applique à toutes les parties de l’histoire naturelle, et qu’il n’est pas nécessaire de vous développer, parce que chacun de vous la sent intérieurement.

Il ne faut donc s’occuper que très-secondairement d’un genre de connoissance qui n’a rien de stable en lui-même, en un mot d’un produit de l’art toujours sujet à varier ; mais il faut se livrer par préférence à l’étude des objets que nous offre la nature, il faut les considérer dans leur ensemble, leurs différens groupes apparens, et