Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/5

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la suite de beaucoup de temps[1], vous ne vous êtes point apperçus que l’espèce n’a réellement qu’une constance relative à la durée des circonstances dans lesquelles se trouvent les individus qui la représentent.

Toutes les observations que j’ai rassemblées sur ce sujet important, la difficulté même que je sais par ma propre expérience, qu’on éprouve maintenant à distinguer les espèces dans les genres où nous nous sommes déjà très-enrichis, difficulté qui s’accroît tous les jours à mesure que les recherches des naturalistes agrandissent nos collections, tout m’a convaincu que nos espèces n’ont qu’une existence bornée, et ne sont que des races mutables ou variables, qui, le plus généralement, ne différent de celles qui les avoisinent, que par des nuances difficiles à exprimer. Voyez le discours d’ouverture de mon cours de Zoologie pour l’an XI.

Ceux qui ont beaucoup observé et qui ont consulté les grandes collections, ont pu se convaincre qu’à mesure que les circonstances d’habitation, d’exposition, de climat, de nourriture, d’habitude de vivre, &c. viennent à changer, les caractères de taille, de forme, de proportion entre les parties, de couleur, de consistance, de dure, d’agilité et d’industrie pour les animaux, changent proportionnellement.

Ils ont pu voir que, pour les animaux, l’emploi plus fréquent et plus soutenu d’un organe quelconque, fortifie peu à peu cet organe, le développe, l’agrandit, et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi ; tandis que le défaut constant d’usage de tel organe, l’affoiblit insensiblement, le détériore, diminue progressivement ses facultés, et tend à l’anéantir[2].

Enfin, ils ont pu remarquer que tout ce que la nature fait acquérir ou perdre aux individus par l’influence soutenue des circonstances où leur race se trouve depuis long-temps, elle le conserve par la génération aux nouveaux individus qui en proviennent. Ces vérités

  1. Voyez dans mon Hydrogéologie la citation des principaux faits qui mettent cette vérité en évidence.
  2. On sait que toutes les formes des organes comparées aux usages de ces mêmes organes, sont toujours parfaitement en rapport. Or, ce qui fait l’erreur commune à cet égard, c’est qu’on a pensé que les formes des organes en avoient amené l’emploi, tandis qu’il est facile de démontrer, par l’observation, que ce sont les usages qui ont donné lieu aux formes.