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Cette situation de la bourgeoisie n’était pas du reste une nouveauté. Dès le xive siècle, il était fait mention, dans la Très-Ancienne Coutume, « des bourgeois de noble ancesourie qui ont acoustumé à vivre honestement et tenir noble table franche come gentilshommes. » Le principe celtique de l’égalité des partages en fait de succession, modifié profondément dans les familles nobles par l’esprit féodal, s’était à peu près conservé dans les familles bourgeoise[1], qui méritaient, a tous égards, l’influence et la considération.

L’assemblée de la ville et paroisse de Saint-Brieuc était donc formée sur une large base, puisqu’elle comprenait tous les habitants, ayant à leur tête les personnages marquants du clergé, de la noblesse et surtout de la bourgeoisie. On est porté à croire qu’elle avait dès lors les armoiries qu’elle a conservées : d’azur, au griffon d’or, armé et lampassé de gueules. Si l’on veut se rendre compte de l’origine de ces armoiries, on peut remarquer, avec les auteurs des Anciens Evêchés qu’il y a également un griffon ou dragon sur le sceau du chapitre de saint Guillaume et sur celui de la Cour séculière de l’évêque de Saint-Brieuc; mais, dans ceux-ci, le griffon, symbole de l’idolâtrie, est terrassé par une main tenant une crosse, tandis que, dans les armes de la ville, le griffon est debout et la crosse a disparu. En admettant cette origine, il faudrait donc en conclure que l’élément civil a voulu s’émanciper de l’élément religieux et exprimer cette pensée dans son blason.

  1. L’article 587 de la coutume de 1580 consacre le principe: « Les enfants et autres héritiers des bourgeois et autres du tiers état partageront également, tant en meubles qu’héritages, en succession directe et collatérale. » Les articles 586, 588 et 589 accordent, il est vrai, trois préciputs à l’ainé roturier, savoir : un sou par livre à prélever sur les héritages nobles, dans la succession directe ; les livres de la profession du décédé, quand l’aîné suivait la carrière des lettres ; « la principale maison et logis suffisant, soit en ville ou aux champs, à son choix, faisant récompense aux autres ; » mais ce droit, dit de prélation, est qualifié d’odieux par les jurisconsultes bretons. (Mémoire sur l’Esprit du droit breton en matière de succession, cité à la page 87).