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que Rigual luy auoit donne. »[1]. On devine ce que devait être ce palais bâti, au ve siècle, par un émigré, au milieu des bois. Si l’on en croit la tradition, il s’élevait au sud de la cathédrale, dans remplacement qu’occupa jusqu’à la Révolution l’ancien manoir épiscopal.

Les moines choisissaient ordinairement à merveille la situation de leurs couvents. Celui-ci fut placé (on ne sait par quel dessein) sur le bord d’un terrain marécageux, ce qui n’empêcha pas d’autres habitations de se grouper alentour. Les mérites du saint et de ses pieux compagnons, le dévouement dont ils firent preuve, ne leur permirent pas, en effet, de rester isolés. Avec le temps, une ligne de maisons s’étendit de l’oratoire au monastère. C’est dans ce quartier que se trouvent les rues et les places dont les noms ont la forme la plus ancienne et évoquent les plus vieux souvenirs[2].

Voilà tout ce que nous savons de l’origine de la ville de Saint-Brieuc.

Rigwal, qui s’était retiré à Hillion, fut assisté par Brieuc à son lit de mort et ajouta un domaine considérable à celui qu’il lui avait déjà donné.

Un autre breton insulaire, Fracan, s’était établi, vers la même époque, dans la région qui a pris son nom, Plou-Fracan ou Ploufragan. On voit donc, dès le ve siècle, un chef de bande émigré former, sur les bords du Gouët, l’un de ces plous devenus bientôt si nombreux et dans lesquels plusieurs historiens se plaisent à retrouver l’origine de la paroisse bretonne[3]. Fracan eut pour femme sainte Guen

  1. Vie de saint Brieuc, ch. xxi.
  2. Les noms des rues Cardenoual et Pohel ou Poher, comprises dans ce quartier, ont une origine évidemment celtique.
  3. « Fundum quemdam reperiens non parvum, sed quasi unius piebis modulum, silvis dumisque undique circumseptum, modo jam ab inventore nuncupatum, inundatione cujusdam fluvii, qui proprie sanguis dicitur, locupletem, cum suis inhabitare cœpit.— Ayant trouvé un territoire assez grand et pour ainsi dire de la mesure d’une paroisse, entouré de tous côtés de bois et de buissons, mais fécondé parle débordement d’une rivière qu’on appelle sanguis (le sang), il commença à y faire sa demeure avec les siens, et ce territoire a reçu le nom de celui qui l’a découvert. » Ce passage, tiré de la vie de saint Guénolé, a été cité par M. de La Borderie, pour prouver à la fois la dépopulation de l’Armorique au ve siècle et la formation du plou, origine de la paroisse bretonne.