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neuvième époque.

» Et dans mes yeux mourants son image est si belle,
» Que je ne comprends pas le ciel même sans elle.
» Oh ! s’il était là, lui ! si Dieu me le rendait !
» Même à travers la mort, oh ! s’il me regardait !
» Si cette heure à ma vie eût été réservée,
» Si j’entendais sa voix, je me croirais sauvée :
» Sa voix m’adoucirait jusqu’au lit du tombeau ! »


« Laurence, entendez-la ! » criai-je. Le flambeau
Jeta comme un éclair du ciel dans l’ombre obscure ;
Elle se souleva pour fixer ma figure :
« Dieu ! c’est bien lui, dit-elle. – Oui, Laurence ; oui, c’est moi !
» Ton frère, ton ami, là, vivant devant toi !
» C’est moi que le Seigneur au jour de grâce envoie
» Pour te tendre la main et t’aplanir la voie,
» Pour laver plus que toi tes péchés dans mes pleurs !
» Tes fautes, mon enfant, ne sont que tes malheurs.
» C’est moi seul qui jetai le trouble dans ta vie ;
» Tes péchés sont les miens, et je t’en justifie !
» Peines, crimes, remords, sont communs entre nous,
» Je les prends tous sur moi pour les expier tous.
» J’ai du temps, j’ai des pleurs ; et Dieu, pour innocence,
» Va te compter là-haut ma dure pénitence.
» Ah ! reçois de ce cœur au tien prédestiné
» Le plus tendre pardon qu’il ait jamais donné !
» Reçois de cette main, que Dieu seul t’a ravie,
» Ta précoce couronne et l’éternelle vie !
» Réunis à l’entrée, au terme du chemin,
» Tous les dons du Seigneur t’attendaient dans ma main.
» Aime-la pour ces dons de Dieu ! crois, aime, espère !
» Laurence, cette main t’absout, au nom du Père ! »
Et, comme j’achevais le signe de la croix,
Et que les mots sacrés expiraient dans ma voix,