Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/308

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de bases, et qui les dominaient majestueusement, quelque torrent écumait sans doute, ou quelque lac profond s’évaporait aux premières ardeurs du soleil du matin ; car une vapeur blanche et bleuâtre s’étendait dans cet espace vide, et dérobait légèrement, et comme pour le faire mieux fuir, le second plan de montagnes sous ce rideau transparent, que perçaient çà et là les faisceaux des rayons de l’aurore. Plus loin et plus haut encore, une troisième chaîne de montagnes, entièrement sombre, montait en croupes arrondies et inégales, et donnait à tout ce suave paysage cette teinte de majesté, de force et de gravité, qui doit se retrouver dans tout ce qui est beau comme élément ou comme contraste. De distance en distance, cette troisième chaîne était brisée, et laissait fuir l’horizon et le regard sur une vaste percée d’un ciel d’argent pâle, semé de quelques nues légèrement rosées ; enfin, derrière ce magnifique amphithéâtre, deux ou trois cimes du Liban lointain se dressaient comme des promontoires avancés dans le ciel, et, recevant les premières la pluie lumineuse des premiers rayons du soleil suspendu au-dessus d’elles, semblaient tellement transparentes, qu’on croyait voir à travers trembler la lumière du ciel qu’elles nous dérobaient. Ajoutez à ce spectacle la voûte sereine et chaude du firmament, et la couleur limpide de la lumière, et la fermeté des ombres qui caractérise une atmosphère d’Asie ; semez dans la plaine un kan en ruine, ou d’immenses files de vaches rousses, de chameaux blancs, de chèvres noires, venant à pas lents chercher une eau rare, mais limpide et savoureuse ; représentez-vous quelques cavaliers arabes montés sur leurs légers coursiers et sillonnant la plaine, tout étincelants de leurs armes argentées et de leurs vêtements écarlates ; quelques femmes des villages