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MÉDITATIONS


Combien de fois, dans le délire
Qui succédait à nos festins,
Aux sons antiques de la lyre,
J’évoquai des songes divins !
Aux parfums des roses mourantes,
Aux vapeurs des coupes fumantes,
Ils volaient à nous tour à tour,
Et sur leurs ailes nuancées
Égaraient nos molles pensées
Dans les dédales de l’amour !

Mais, dans leur insensible pente,
Les jours qui succédaient aux jours
Entraînaient comme une eau courante
Et nos songes et nos amours.
Pareil à la fleur fugitive
Qui du front joyeux d’un convive
Tombe avant l’heure du festin,
Ce bonheur que l’ivresse cueille,
De nos fronts tombant feuille à feuille,
Jonchait le lugubre chemin.

Et maintenant, sur cet espace
Que nos pas ont déjà quitté,
Retourne-toi ; cherchons la trace
De l’amour, de la volupté.
En foulant leurs rives fanées,
Remontons le cours des années,
Tandis qu’un souvenir glacé,
Comme l’astre adouci des ombres,
Éclaire encor de teintes sombres
La scène vide du passé.