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POÉTIQUES.


Mais ces sens qui s’appesantissent,
Et du temps subissent la loi,
Ces yeux, ce cœur, qui se ternissent,
Cette ombre enfin, ce n’est pas toi.
Sans regret, au flot des années
Livre ces dépouilles fanées
Qu’enlève le souffle des jours,
Comme on jette au courant de l’onde
La feuille aride et vagabonde
Que l’onde entraîne dans son cours !

Ce n’est plus le temps de sourire.
À ces roses de peu de jours,
De mêler au son de la lyre
Les tendres soupirs des Amours ;
De semer sur des fonds stériles
Ces vœux, ces projets inutiles,
Par les vents du ciel emportés,
À qui le temps qui nous dévore
Ne donne pas l’heure d’éclore
Pendant nos rapides étés.

Levons les yeux vers la colline
Où luit l’étoile du matin ;
Saluons la splendeur divine
Qui se lève dans le lointain.
Cette clarté pure et féconde
Aux yeux de l’âme éclaire un monde
Où la foi monte sans effort.
D’un saint espoir ton cœur palpite :
Ami, pour y voler plus vite,
Prenons les ailes de la Mort.