Lorsqu’enfin, plus heureux, ton front charmant repose,
Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien,
Et que mes lents regards sont suspendus au tien
Comme l’abeille avide aux feuilles de la rose :
Souvent alors, souvent, dans le fond de mon cœur,
Pénètre comme un trait une vague terreur ;
Tu me vois tressaillir ; je pâlis, je frissonne,
Et, troublé tout à coup dans le sein du bonheur,
Je sens couler des pleurs dont mon âme s’étonne.
Tu me presses soudain dans tes bras caressants,
Tu m’interroges, tu t’alarmes,
Et je vois de tes yeux s’échapper quelques larmes
Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands.
« De quel ennui secret ton âme est-elle atteinte ? »
Me dis-tu. « Cher amour, épanche ta douleur ;
» J’adoucirai ta peine en écoutant ta plainte,
» Et mon cœur versera le baume dans ton cœur. »
Ne m’interroge plus, ô moitié de moi-même !
Enlacé dans tes bras, quand tu me dis « Je t’aime, »
Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi,
Nul mortel sous les cieux n’est plus heureux que moi !
Mais jusque dans le sein des heures fortunées
Je ne sais quelle voix que j’entends retentir
Me poursuit, et vient m’avertir
Que le bonheur s’enfuit sur l’aile des années,
Et que de nos amours le flambeau doit mourir.
D’un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : Ce n’est qu’un songe
Que le bonheur qui doit finir !