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POÉTIQUES.

Que de larmes sans fin sur eux vont se répandre !
Dans vos cités en deuil que de cris vont s’entendre
Avant qu’avec douleur la terre ait reproduit,
Misérables mortels, ce qu’un jour a détruit !
Mais au sort des humains la nature insensible
Sur leurs débris épars suivra son cours paisible :
Demain, la douce aurore, en se levant sur eux,
Dans leur acier sanglant réfléchira ses feux ;
Le fleuve lavera sa rive ensanglantée,
Les vents balayeront leur poussière infectée,
Et le sol, engraissé de leurs restes fumants,
Cachera sous des fleurs leurs pâles ossements !





Silence, Esprit de feu ! Mon âme épouvantée
Suit le frémissement de ta corde irritée,
Et court en frissonnant sur tes pas belliqueux,
Comme un char emporté par des coursiers fougueux ;
Mais mon œil, attristé de ces sombres images,
Se détourne en pleurant vers de plus doux rivages.
N’as-tu point sur ta lyre un chant consolateur ?
N’as-tu pas entendu la flûte du pasteur,
Quand seul, assis en paix sous le pampre qui plie,
Il charme par ses airs les heures qu’il oublie,
Et que l’écho des bois, ou le fleuve en coulant,
Porte de saule en saule un son plaintif et lent ?
Souvent pour l’écouter, le soir, sur la colline,
Du côté de ses chants mon oreille s’incline ;
Mon cœur, par un soupir soulagé de son poids,
Dans un monde étranger se perd avec la voix ;
Et je sens par moments, sur mon âme calmée,
Passer avec le son une brise embaumée,