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MÉDITATIONS

Où la mémoire, errant après des jours sans nombre,
Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre.

Ici, de voûte en voûte élevé dans les cieux,
Le monument debout défie encor les yeux ;
Le regard égaré dans ce dédale oblique,
De degrés en degrés, de portique en portique,
Parcourt en serpentant ce lugubre désert,
Fuit, monte, redescend, se retrouve et se perd.
Là, comme un front penché sous le poids des années,
La ruine, abaissant ces voûtes inclinées,
Tout à coup se déchire en immenses lambeaux,
Pend comme un noir rocher sur l’abîme des eaux ;
Ou, des vastes hauteurs de son faîte superbe
Descendant par degrés jusqu’au niveau de l’herbe,
Comme un coteau qui meurt sous les fleurs d’un vallon,
Vient mourir à nos pieds sur des lits de gazon.
Sur les flancs décharnés de ces sombres collines,
Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines :
Là, le lierre jaloux de l’immortalité
Triomphe en possédant ce que l’homme a quitté ;
Et, pareil à l’oubli, sur ces murs qu’il enlace
Monte de siècle en siècle au sommet qu’il efface.
Le buis, l’if immobile, et l’arbre des tombeaux,
Dressent en frissonnant leurs funèbres rameaux ;
Et l’humble giroflée, aux lambris suspendue,
Attachant ses pieds d’or dans la pierre fendue,
Et balançant dans l’air ses longs rameaux flétris,
Comme un long souvenir fleurit sur des débris.
Aux sommets escarpés du fronton solitaire,
L’aigle à la frise étroite a suspendu son aire :
Au bruit sourd de mes pas, qui troublent son repos,
Il jette un cri d’effroi, grossi par mille échos,