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DE LA POÉSIE.

toute blanche de débris, et, traversant quelques champs de gazon brouté par les chèvres et les chameaux, nous nous dirigeâmes vers une fumée qui s’élevait, à quelque cent pas de nous, d’un groupe de ruines entremêlées de masures arabes.

Le sol était inégal et montueux, et retentissait sous les fers de nos chevaux, comme si les souterrains que nous foulions allaient s’entrouvrir sous leurs pas. Nous arrivâmes à la porte d’une cabane basse, et à demi cachée par des pans de marbre dégradés, et dont la porte et les étroites fenêtres, sans vitres et sans volets, étaient construites de débris de marbre et de porphyre, mal collés ensemble avec un peu de ciment. Une petite ogive de pierre s’élevait d’un ou deux pieds au-dessus de la plate-forme qui servait de toit à cette masure ; et une petite cloche, semblable à celle que l’on peint sur la grotte des ermites, y tremblait aux bouffées du vent. C’était le palais épiscopal de l’évêque arabe de Balbek, qui surveille dans ce désert un petit troupeau de douze ou quinze familles chrétiennes de la communion grecque, perdue au milieu de ces déserts et de la tribu féroce des Arabes indépendants du Békâa. Jusque-là nous n’avions vu aucun être vivant que les chacals, qui couraient entre les colonnes du grand temple, et les petites hirondelles au collier de soie rose, qui bordaient, comme un ornement d’architecture orientale, les corniches de la plate-forme.

L’évêque, averti par le bruit de notre caravane, arriva bientôt, et, s’inclinant sur sa porte, m’offrit l’hospitalité. C’était un beau vieillard, aux cheveux et à la barbe d’argent, à la physionomie grave et douce, à la parole noble, suave et cadencée, tout à fait semblable à l’idée du prêtre dans le poëme ou dans le roman, et digne en tout de