Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/110

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la nation sera terrible, si elle ne prend confiance en vous.

» Mais cette confiance, vous ne la conquerrez pas par des paroles ; il faut des actes. Donnez des gages éclatants de votre sincérité. Par exemple, deux décrets importants ont été rendus ; tous deux intéressent le salut de l’État ; le retard de leur sanction excite la défiance. Prenez-y garde ! la défiance n’est pas loin de la haine, et la haine ne recule pas devant le crime. Si vous ne donnez pas satisfaction à la Révolution, elle sera cimentée par le sang. Les mesures désespérées qu’on pourrait vous conseiller pour intimider Paris, pour dominer l’Assemblée, ne feraient que développer cette sombre énergie, mère des grands dévouements et des grands attentats. (Ceci s’adressait indirectement à Dumouriez, conseiller de mesures de fermeté.) On vous trompe, Sire, en vous représentant la nation comme hostile au trône et à vous. Aimez, servez la Révolution, et ce peuple l’aimera en vous. Les prêtres dépossédés agitent les campagnes, ratifiez les mesures propres à étouffer leur fanatisme. Paris est inquiet sur sa sécurité, sanctionnez les mesures qui appellent un camp de citoyens sous ses murs. Encore quelques délais, et on verra en vous un conspirateur et un complice ! Juste ciel ! avez-vous frappé les rois d’aveuglement ? Je sais que le langage de la vérité est rarement accueilli près du trône ; je sais aussi que c’est ce silence de la vérité dans les conseils des rois qui rend les révolutions si souvent nécessaires. Comme citoyen et comme ministre, je dois la vérité au roi, rien ne m’empêchera de la faire entendre. Je demande qu’il y ait ici un secrétaire du conseil qui enregistre nos délibérations. Il faut pour des ministres responsables un témoin de leurs opinions ! Si ce témoin existait, je ne m’adresserais pas par écrit à Votre Majesté ! »