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Cependant sa haine connue contre la cour avait naturellement attiré dans sa familiarité tous ceux qui voulaient un renversement. Le Palais-Royal fut le centre élégant d’une conspiration, à portes ouvertes, pour la réforme du gouvernement. La philosophie du siècle s’y rencontrait avec la politique et la littérature. C’était le palais de l’opinion. Buffon y venait assidûment passer les dernières soirées de sa vie ; Rousseau y recevait de loin le seul culte que sa fière susceptibilité permît à des princes ; Franklin et les républicains d’Amérique, Gibbon et les orateurs de l’opposition anglaise, Grimm et les philosophes allemands, Diderot, Sieyès, Sillery, Laclos, Suard, Florian, Raynal, La Harpe et tous les penseurs ou les écrivains qui pressentaient le nouvel esprit, s’y rencontraient avec les artistes et les savants célèbres. Voltaire lui-même, proscrit de Versailles par le respect humain d’une cour qui adorait son génie, y vint à son dernier voyage. Le prince lui présenta ses enfants, dont l’un règne aujourd’hui[1] sur la France. Le philosophe mourant les bénissait, comme ceux de Franklin, au nom de la raison et de la liberté.


V

Ce n’est pas que ce prince eût par lui-même le sentiment des lettres et le culte de la pensée : il avait trop cultivé ses

  1. 1847.